l'éveil du coeur - contributions

l'éveil du coeur - contributions                 dans la lumière auteur : françois-marie périer le site des temples d'angkor s'étend sur plusieurs dizaines de kilomètres au milieu des plaines sans fin, des rizières éblouissantes et des forêts vierges du cambodge. la récente pacification du pays permet à nouveau aujourd'hui, 150 ans après sa redécouverte par le monde entier, la visite de ce qui est l'une des plus fabuleuses merveilles du monde. l'impression unique produite par l'ancienne capitale khmère n'est pas simplement due à sa monumentalité. on le sent, on le sait quand on l'approche, ce lieu est sacré au plus haut point: il relie la terre au ciel, l'homme aux dieux et aux bouddhas, et surtout, avant-tout, à lui-même. extraits de notes d'un voyage et de quelques études. arriver à angkor par la terre, en venant de la thaïlande , en pick-up, ou par voie d'eau, en venant de phnom-penh en bateau via le tonlé sap, est déjà en soi le début d'une aventure, les prémisses d'une initiation. la route est longue, éprouvante, parfois incertaine en raison des précipitations qui la creusent et la noient. le fleuve est parfois le théâtre d'étranges rencontres avec des bandits de grands chemins. mais le site en vaut la chandelle. le temple et l'homme entre terre et ciel en arrivant face à angkor vat, qui déploie son immensité au bout d'un plan d'eau verte où s'ébattent nus des enfants dans l'insouciance retrouvée de leur pays, on est frappé de stupeur et de respect: la vision tient du mirage et du miracle, d'un autre monde. la légende dit qu'un homme fut autrefois enlevé par les dieux qui habitent au ciel. il vécut quelques temps parmi eux puis redescendît sur terre. il fit alors le récit de son voyage et des lieux qu'il avait connus, et du récit de son voyage, les hommes firent angkor vat. angkor vat se présente donc comme la reproduction de la ville des dieux ici-bas. le fait, ou le mythe, comme on voudra, mérite qu'on s'y attarde. il s'agit évidemment d'un exemple d'architecture sacrée: les structures, les orientations, les proportions obéissent à des lois qui mettent le temple en harmonie à la fois avec l'architecture du cosmos et de l'homme: le temple est à la fois un anthropocosme et un macrocosme, selon la loi exprimée par hermès trismégiste, le grand initié de l'egypte antique, auteur de la table d'emeraude: "ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, afin que se réalise le miracle de l'unité." orienté vers l'est, comme les cathédrales dont il est contemporain, xi°-xii° siècles, angkor vat rend ainsi hommage au soleil, symbole universel de la lumière divine. il s'étage sur plusieurs niveaux, qui représentent la trilogie de la constitution occulte de l'homme: corps physique d'abord, puis le quaternaire de l'âme: corps éthérique, corps astral, corps mental, corps causal, et enfin l'esprit. lors des cérémonies, les prêtres gravissaient lentement les marches menant aux plus haut point de l'édifice qui, à l'instar de la montagne, permettait la rencontre de l'humain et du divin. et puis, comme le relève pierre grison dans son ouvrage angkor au centre du monde, (dervy-livres), angkor vat, et tout le site avec lui, sont situés dans l'axe du méridien 100, celui qui passe par le massif du k'ouen-len, considéré en chine comme le "centre du monde", tel le mont méru en inde. le lieu est donc un point qui, tel un chakra terrestre, un vortex, concentre à la fois l'énergie terrestre et céleste et ouvre un pont à l'homme entre les dieux. est-ce un hasard d'ailleurs si angkor se lit en anglais anchor, l'ancre: les temples seraient l'ancre laissée sur terre par le grand vaisseau des étoiles? la "langue des oiseaux" est souvent la clef de bien des énigmes. peuple des étoiles si nous nous penchons maintenant à nouveau sur la légende évoquée plus haut, une thèse d'interprétation, qui allie l'audace à la séduction de sa rigueur historique, retient le chercheur curieux. angkor, on l'a vu, est le lieu de l'union, souvent violemment conflictuelle par le passé, entre les xii° et xiv° siècles, des cultes hindouiste et bouddhiste. ces deux religions - le mot convient, s'agissant de bouddhisme mahayana, le "grand véhicule"- comptent d'innombrables dieux, la plupart d'origine hindoue, intégrés ensuite par les bouddhistes. si l'on relie les textes de la mythologie indienne, on apprend que ces dieux se combattaient sur des vimana, des boucliers volants, à l'aide d'armes extraordinaires qui réduisaient tout en cendres et empêchaient toute forme de vie de reprendre ensuite où elles avaient frappé. on croirait lire aussi certaines visions bibliques du char de dieu et des récits de destruction de sodome et gomorrhe... or, selon certains auteurs de ce qu'il est convenu d'appeler l' "astro-archéologie", la structure d'angkor vat correspondrait tout simplement à celle d'un immense vaisseau spatial d'un peuple du ciel: celui des dieux qui instruisirent l' "abducté" qui relata ensuite sa vision. on voit comment, ici encore, les thèses les plus récentes rejoignent la légende. le bouddha de la grande compassion mais angkor reste avant tout, dans la conscience collective de l'humanité, la ville des bouddhas, comme en témoigne l'ouvrage récent de anne et daniel meurois-gévaudan, celui qui vient. l'omniprésence des bouddhas, les eveillés, tient historiquement au règne d'un grand roi, jayavarman vii, aussi connu comme le "roi lépreux", titre d'un livre de pierre benoît, qui écrivit aussi le pèlerin d'angkor. ce souverain qui règna de la fin du xii° au début du xiii° siècles se distingua par son habileté à gouverner, son faste, ses esclaves, ses centaines de concubines et ses oeuvres de bienfaisance, et la ville compta alors jusqu'à un million d'habitants. mais surtout, pour l'histoire, pour l'art et la légende à venir, il s'identifia au grand bodhisattva avalokitésvara, le bouddha de toute compassion venu s'incarner sur la terre pour le bien de tous les êtres vivants. associé au dieu hindou ishvara, avalokiteshvara, aussi appelé tchenrezi au tibet, deviendra lokeshvara à angkor. jayavarman vii le fit représenter sous ses propres traits sur les grandes tours à quatre faces d'un autre des monuments-symboles du site: le bayon d'angkor thom. partout dans ce temple carré s'élève le visage de l'eveillé, qui fixe bienveillamment mais impitoyablement le visiteur dans la clarté de sa conscience. les tours sont au nombre de 54, ce qui donne 216 visages... du bayon part une grande allée elle-même bordée de deux rangées de 54 dieux et 54 asuras, ou démons, tirant sur une corde. il s'agit d'une scène du mahabbarata, grand livre de la mythologie indienne: au terme de cet affrontement, les dieux l'emportèrent et l'océan de lait fut baratté, permettant la solidification du monde... de la dualité nait la vie. cette grande allée mène à victoria gate, la porte de la victoire, celle des dieux bien sûr, où une ultime et gigantesque tête de lokeshvara nous regarde arriver puis passer sous son arc, toujours ce sourire ce celui qui sait sur des lèvres qui se taisent... nombres sacrés 108, le nombre des dieux et démons, le double du nombre de tours et la moitié des visages du bodhisattva, est le nombre du bouddha. en effet, c'est celui des perles du collier de son cou, celui des boucles de sa chevelure, celui des incarnations dont l'homme dispose pour s'éveiller et sortir de la roue du samsara. angkor thom obéit aussi à des lois architecturales précises. il est bien sûr un immense mandala de pierre qui mettra sans doute des siècles encore avant de devenir de sable et de se disperser. et cette forme solaire agit directement sur l'âme puis sur l'homme en le mettant en résonance avec cet archétype que l'art sublime ici: la claire conscience, l'atman, la vérité , le soi, ou quel que soit le nom qu'on donne à cette transcendance qui nous habite, cet espace sacré est au centre de toutes les formes de la manifestation. mais le mandala, en terre orientale, ne peut que rappeler aussi les chakras qui s'alignent le long de la colonne vertébrale de l'homme, attendant leur éveil. les serpents, ou nagas, sont d'ailleurs très présents en divers lieux. ils représentent à la fois la kundalini qui réalise l'éveil effectif des chakras, et les instructeurs de la sagesse initiatique. d'autres temples sont à angkor des mandalas, tels angkor vat bien sûr, mais aussi le pre rup ou le bakong, ce dernier étant situé beaucoup plus au sud d'angkor thom et d'angkor vat. chacun d'eux recqerrait une étude détaillée de son symbolisme et de sa cohérence dans l'ensemble du site, ce qu'il serait beaucoup trop long de faire ici. le rêve et l'eveil mieux vaut évoquer la belle histoire d'un songe que fit un habitant du lieu il y a quelques décennies de cela. il rêva qu'un bouddha lui demandait de venir le réveiller, car le monde avait besoin de lui. le khmer qui fit ce rêve situa trés bien le lieu dont il était question. il en parla aux responsables de l'ecole française d'extrême-orient, qui dirigeait et dirige à nouveau les travaux depuis la fin des combats. ceux ci se rendirent sur les lieux, creusèrent et découvrirent en effet une superbe statue de l'eveillé. cette histoire est à l'image d'angkor: entre le rêve et la veille, voie vers l'eveil. la cité extrême-orientale est pleine de signes qu'il fait suivre et respecter, car le sacré se reconnaît autant à ses merveilles qu'à sa puissance. a l'instar des pyramides égyptiennes auxquelles des "malédictions" semblent attachées, angkor révèle l'essence de ceux qui l'approchent et touchent à son intégrité. ainsi, henri marchal, un architecte français de l'école évoquée vivra pendant plus de quarante ans une histoire d'amour avec les temples: il ne pouvait les quitter sans que ses successeurs soient frappés de quelque maladie, sans que des malheurs, un effondrement, frappent ses remplaçants. les khmers, attentifs aux signes qui sont les voix des dieux ou des bouddhas, ne s'y trompèrent pas: ils reconnurent vite l'homme comme un sage en accord avec le dharma, la volonté supérieure du lieu. il y était invulnérable, épargné aussi bien par les maladies que par les pierres ou les serpents ou les affrontements humains. a peine revenait-il que tout rentrait dans l'ordre, à l'image de certains faiseurs de pluie dont la seule présence suffisait à restaurer l'harmonie dérangée dans la chine taoïste. quitter angkor l'émerveillement est partout à angkor. on croise les apsaras, ces danseuses célestes aux formes troublantes, dans une pierre plus vive que la chair même, on assiste à l'apparition d'un bouddha décapité qui médite depuis des siècles dans une cellule à la fraîcheur bénie, on évite impuissant les racines colossales des banyans qui glissent sur les pierres comme les serres d'un aigle, les griffes d'un fauve ou le corps d'un serpent, appelant les temples à disparaître, on voit passer les mêmes éléphants que ceux qui ont bati la ville il y a dix siècles, cette ville dont seule demeure la pierre sacrée des temples aujourd'hui, le reste, de bois ayant brûlé, ou ayant fini abandonné par l'exode de la population vers une nouvelle capitale, phnom penh, au xv°siècle... et les mêmes vaches nous regardent passer sans perdre un instant de leur lenteur sacrée. même si la chaleur est souvent terrible, même si la visite des temples immenses et éloignés les uns des autres se transforme parfois en épreuve, on sait que, comme toute épreuve, elle transforme et enrichit. et puis, il y a les enfants, leur regard à la fois innocent, profond mais derrière lequel on connaît la terrible souffrance du génocide khmer rouge, dont les plaies commencent à peine à se refermer peu à peu, dont les membres emportés par les mines de ces enfants rappellent la folie. la présence de ce petit peuple qui repousse sur les cendres, les ruines et les sépulcres, partout sur ce qui est pour eux un grand parc de jeux comme n'en connaissent aucuns autres de leurs frères du monde, est en elle-même un enseignement: celui de la joie de vivre, de la compassion, de la tendresse et de la beauté de ces visages graves et rieurs, prêts à tout recommencer si on leur tend une main, si quelqu'un leur sourit. le gouvernement cambodgien voudrait attirer ici 5 millions de visiteurs par an. pour l'instant encore difficilement accessibles, les temples sont dans leur écrin de jungle, de silence et de mystère. il ne faut plus trop attendre pour trouver le rêve intact. après, on quitte angkor, mais angkor ne nous quitte pas. parce qu'elle est tout entière le symbole de notre être intérieur, parce que sa leçon est trop forte pour être oubliée, parce que la cité des dieux est à la fois au bout et au centre du monde et de nos rêves.   bendha, la fête des morts (publié dans bouddhisme actualité, oct. 2001) la compassion n'a de sens que si elle s'adresse et profite à tous les êtres de tous les mondes. même si on oppose parfois facilement le bodhisattva du mahayana, qui reste dans le samsara pour la libération de tous les êtres, à l'arhat du hinayana, qui désire l'extinction finale dans le nirvana, la réalité humaine des rites et des traditions est souvent beaucoup plus nuancée et riche. en témoigne la fête des morts bouddhiste, célébrée dans les pays du petit véhicule, qui nous invite à méditer sur le sens de ce grand rite de passage qu'est la désincarnation, et sur notre attitude à avoir envers les disparus qui nous furent et nous restent proches. la mort au cœur de la vie samyoz est un bonze cambodgien du vat - temple bouddhiste - de marseille. dans la salle où règne une agitation bon enfant, il est assis seul sur la scène. devant lui, trois bâtons d'encens brûlent, symbolisant le tripitaka, la triple corbeille: bouddha, dharma, sangha. aujourd'hui, dimanche 9 septembre, il se trouve à grenoble pour célébrer, au sein de la communauté khmère, ce qui est nommé dans sa langue d'origine pchuom ben, la fête des morts, bendha en pali. le terme signifie précisément "réunir le riz pour l'offrir". les plats qui affluent de toutes parts, préparés avec soin par les fidèles, sont loin de comporter uniquement du riz, mais l'offrande est bien là, et le moine va devoir la transmettre aux morts de toute la communauté, se faisant à l'occasion le passeur d'un autre genre, vers une autre rive. la cérémonie a débuté par l'acceptation rituelle de la nourriture. puis les prières se sont élevées, les mains se sont jointes et chacun s'est intériorisé. la pensée de la mort oblige à voir plus loin, à chercher plus profondément, et amène au silence. c'est la grande compagne du méditant. samioz a ensuite prononcé un court sermon sur le dharma, et le temps de l'offrande est arrivé. sur des papiers figurent les noms des disparus, et il les récite et les brûle un par un, signifiant par là l'envol des mots et des morts vers l'invisible et le subtil. les cendres qui demeurent évoquent le souhait de l'extinction suprême dans le nirvana après le feu du samsara, puisque nous sommes dans le theravada. maintenant, les neuf prières pour les morts envahissent le lieu. malgré la solennité du moment, le silence est loin d'être complet: des gens parlent, des enfants circulent, les plats arrivent. je me souviens d'une scène dont j'avais été témoin à pashupatinam, prés de katmandou, un des lieux saints de l'hindouisme, puisque y passe un affluent du gange: à côté d'une cérémonie mortuaire de crémation, des enfants se baignaient, insouciants et joyeux, sans que personne ne s'en offusque. le contraste n'avait rien de choquant, mais exprimait plutôt la continuité de la vie. a quelques mètres de là, un jeune bonze se purifiait dans la même rivière. ce que l'on peut prendre pour de l'irrévérence revêt une signification plus profonde pour qui veut s'interroger sur la mort. dans les traditions réincarnationnistes, la conscience du cycle et de l'impermanence est beaucoup plus forte et s'exprime dans les comportements: la fracture entre vie et mort est surtout apparente et due aux limitations de nos cinq sens. de plus, la fête des morts est une occasion de réjouissance commune aux désincarnés et aux vivants. comme l'explique samyos: "si on ne fait que pleurer les morts, finalement, on ne fait rien, et le mort est triste lui aussi. alors, on fait une fête où tout le monde est réuni dans la joie." chaque famille a présenté le plat que les défunts qu'elle désire honorer ou réconforter préférait. le moine devra tous les bénir, puis les goûter réellement ou symboliquement, et cela avant midi, la prise de nourriture lui étant interdite après. les morts qui ne se sont pas encore réincarnés et demeurent dans des plans intermédiaires peuvent ainsi se nourrir et profiter des mérites attachés à une nourriture qui a été consacrée par un moine. le hinayana se préoccupe peu des classifications des mondes subtils: "le bouddha veut nous éveiller dans le présent, et notre futur ne dépend que de lui", précise samyos. l'offrande aidera les morts à renaître sous une forme meilleure lors de leur retour sur le plan physique. les vivants eux-aussi, par leur compassion et le sacrifice de la nourriture, bénéficient de ces mérites. le moine, quant à lui, reste cet homme entre deux mondes, présent pour la libération et le bien de tous les êtres. le sens de la fête quels sont l'origine et le sens spirituel de cette fête? samyos raconte: "a l'époque du bouddha, il y avait un roi qui faisait beaucoup de choses, mais il ne pensait pas à ses ancètres. sa gloire était grande, mais il les avait oubliés. alors, ceux-cis lui apparurent pendant la nuit pour lui demander de partager. il en parla au bonze du palais, qui rapporta la question au bouddha. c'est ainsi que fut instaurée la fête où l'on transmet la nourriture aux ancêtres en même temps que notre gratitude. et surtout, au mois de septembre, en asie, on est plus libre du travail aux champs, et on peut se réunir, avec les personnes agées, et se rappeler les morts, montrer aux enfants qu'on a beaucoup de parents qui ont fait beaucoup de choses. cette fête dure traditionnellement quinze jours, mais elle durait par le passé jusqu'à un mois. elle existe dans tous les pays du petit véhicule, mais aussi en chine. mais là-bas, elle est davantage liée aux cultures. chez les khmers, c'est une fête des cultures et bouddhiste. ailleurs, c'est simplement la fête de la pleine lune de septembre, par rapport à laquelle est calculée bendha. tous les matins, il faut arriver à cinq heures à la pagode. on fabrique ensuite les petits gateaux et on fait les offrandes à ceux qui ne peuvent pas entrer et restent autour de la pagode: les esprits mauvais et les animaux. puis, dans la pagode, on récite des prières avec les bonzes, les douze paragraphes pour rappeler le comportement juste. on pratique ainsi tous les matins, avant d'offrir le repas au bonze. et aprés quinze jours, c'est la grande fête où tout le monde prend le repas en commun aprés la cérémonie: les vivants et les morts. brûler les papiers est un rappel de la fragilité et de l'impermanence de notre corps et une invitation à l'extinction du nirvana, où est la seule stabilité." mais chaque jour est semblable à une vie, et c'est toujours au présent, le lieu de la transformation, que nous renvoie le rite qui sacralise l'instant en lui redonnant toute son importance. "si on peut avoir les quatre éléments de "dieu": amour universel, compassion, joie et equanimitié, on peut atteindre à l'état de dieu. si, lorsqu'on se réveille, on garde cet état de conscience dans les quatre éléments, on peut être comme un dieu. sinon, on retombe dans l'état habituel, comme le mort qui se réincarne dans le samsara, et on est simplement dans un état humain, en menant une vie saine et bonne. et puis, il existe quatre états mauvais vers lesquels on peut descendre: être comme un animal qui agit sans réfléchir, ou comme un diable qui, à cause du doute et de la peur, est torturé par la haine et le désir. ou comme un fantôme qui ne sait pas où il est et erre partout. et on peut, enfin, descendre jusqu'à l'enfer. donc, au cours de chaque journée, l'homme peut passer par ces trois mondes: le ciel, la terre et l'enfer. mais le nirvana est en dehors de ces trois mondes. a travers la fête des morts, il faut se rappeler de la brièveté de la vie, de la soif d'exister qui apporte la souffrance. quand un enfant vient au monde, il serre les poings et pleure. cela signifie qu'il veut tout posséder, tout saisir, et que cela le fait souffrir. le mort repart sans rien, les mains vides, mais par nos actes, on peut lui transmettre du mérite et lui apporter de la joie, et nos descendants en feront de même. " une méditation sur la vie la mort revêt dans le bouddhisme diverses valeurs. elle est, d'abord, un des quatre inévitables, à côté de la maladie, de la souffrance et de la vieillesse. en tant que telle, elle oblige à réévaluer nos actes et leur véritable signification: quel est le sens de mes choix, que va-t-il en rester face à l'épreuve de la finitude? elle est donc directement liée à l'impermanence, qui est une des premières choses à comprendre, à expérimenter sur la voie. le bouddha dit même que la vision, ne serait-ce qu'un instant, de l'impermanence à laquelle sont soummis l'homme et le monde tout entier, brûle plus de karma, et fait plus progresser que beaucoup de compassion. on sait que bien des vies ont basculé au contact de la souffrance et de la mort, vers une quête du sens dont on ne s'était jusque là pas préoccupé. dans l'hindouisme, on connaît la déesse kali, déesse terrible de la mort, qui tue la mort elle-même: c'est aussi le paradoxe de l'annihilation bouddhiste: mourir au moi pour renaître à la conscience , à la claire lumière , à la nature du bouddha en nous. un des enseignements les plus typiques de bendha est la réunion de la vie et de la mort, qui nous oblige, une fois de plus, à sortir de la dualité: si cette fête se situe au moment de la récolte, si elle est liée à la nourriture, qui sont autant de symboles de prospérité et d'abondance et de vie, elle prend aussi place à la fin de l'été, qui est un rappel de la finitude, de la décroissance de la lumière et de la lente descente vers l'hiver et le solstice. ainsi, la vie est indissociable de la mort, et elle doit le rester dans la conscience quotidienne du bouddhiste, non pour amener à un fatalisme et à un pessimisme stériles, mais pour donner profondeur et portée à ses actes. dans le dhammapada, on peut lire cette parole rapportée du bouddha: "où sont les rires et les chants quand le monde est en feu?" si l'eveillé est célèbre pour son sourire, il l'est autant par sa compassion: vivre sans tenir compte de la souffrance du monde et sans rien y faire pour y remédier est vivre en aveugle, et c'est contre cette cécité que se lève le bodhisattva qui prononce son vœu: "aujourd'hui, et pour le bien de tous les êtres, je fais le vœu de m'éveiller." cependant, le sérieux de la tâche est toujours équilibré par l'humour des bonzes et de la sangha : pas de fausse gravité. et cette légèreté vient, non de l'ignorance, mais de la connaissance de l'impermanence qui inclut la mort elle-même, laquelle est une étape intermédiaire vers une autre incarnation. cependant, cette étape requiert l'attention: elle n'est pas une simple formalité transitoire. le livre des morts tibétains insiste sur la possibilité de se libérer lors de la désincarnation, si l'on est suffisamment détaché pour échapper à l'attraction d'une nouvelle matrice. le dalaï lama met d'ailleurs en garde les gens qui pensent se faire une idée fidèle de la mort à travers les expériences ou les récits de mort imminente ( nde ou emi), tels qu'on les trouve, par exemple, dans les ouvrages de raymond moody. le temps entre deux incarnations peut se prolonger et, dans l'attente de l'incarnation, la personnalité du mort souffre de la même soif d'exister, a les mêmes désirs et les mêmes attachements que ceux qu'elle avait de son vivant. c'est aussi de cette connaissance que naît la préoccupation d'offrir au mort les plats qu'il aimait le plus, de voir réunis les gens qu'il portait dans son coeur. l'offrande de nourriture est d'ailleurs une pratique universelle dans l'antiquité, comme en témoignent les tombes de toutes les traditions et leurs textes sacrés. l'un de ses enseignements les plus célèbres sur la mort est celui donné par le bouddha à une femme venue le voir en larmes en raison de la disparition de son fils. il l'envoya trouver une maison où il n'y avait jamais eu de deuil; ce qu'elle fut incapable de faire. elle revint, le message compris, et cessa de se révolter. sortir de la dualité, c'est aussi cela: comprendre que la finitude est incluse déjà en germe en tout acte, en toute parole, et que prétendre les mettre au monde et en jouir, sans les voir aussi disparaître et en souffrir, est impossible. la relation instaurée par la fête des morts est donc double: les vivants pensent aux morts, mais ainsi également, la pensée de la mort vient aux vivants pour leur rappeler l'urgence de la voie. dans la mythologie bouddhiste, le maître des enfers et dieu des morts s'appelle yama. c'est lui qui envoie aux hommes la vieillesse, la maladie, les souffrances de l'agonie et les retrouve lors de la mort. mais les signes précurseurs cités, qui font aussi partie des quatre inévitables, sont considérés comme des messagers vers les hommes pour leur rappeler qu'ils doivent mener une vie dans les pas du bouddha. telle est la roue qui tourne, et ne peut tourner sans que les extrêmes ne se rejoignent et s'engendrent. retour au sommaire        

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